Plein air, découverte, liberté: voilà ce qui unit certainement la van life et le vélo de montagne.
Au Québec, si l’engouement envers la van life est palpable, il en est pareillement pour le vélo de montagne. Le contexte actuel n’a fait qu’augmenter sa pratique, qui se voyait déjà propulsée par une diversification de l’offre de vélos et la multiplication des réseaux de sentiers. En ajoutant l’impératif de maintenir une distance entre nous et la fermeture des frontières, tous les ingrédients étaient réunis pour faire exploser la pratique du vélo de montagne aux quatre coins du Québec.
Les adeptes de van life mordus de vélo de montagne y ont vu l’opportunité de jumeler leurs passions. Or, cette association fait-elle réellement bon ménage?
2020: l’été de tous les débordements
Ancien athlète de downhill (DH) sur l’équipe nationale, Dominick Ménard est un accro de vélo de montagne et de van life. Son «hood»? Bromont, où il commence à rouler dès l’âge de cinq ans. Depuis l’achat de sa van en 2016, celui qui anime la websérie Bonvelo a vu la situation dans les centres de vélo de montagne évoluer tant au Canada qu’aux États-Unis.
Alors que le Mont Ste-Marie accueille toujours les vans dans son stationnement la nuit, Dom explique qu’au Québec, il est de plus en plus fréquent de voir les van lifers se faire chasser des stationnements dès l’aube. Frédéric Asselin, directeur général du centre plein air Vallée Bras-du-Nord, explique pourquoi les vans n’y sont plus admises la nuit depuis le 9 juillet dernier.
«Ça a dégénéré. Avant, on avait quatre ou cinq personnes qui campaient chez nous. C’était jusqu’au 1er juillet 2020. Là, il y a eu 82 campeurs!»
Selon lui, Vallée Bras-du-Nord n’a tout simplement pas la capacité d’accueil pour satisfaire autant de véhicules. Surtout lorsque les gros motorisés – qui peuvent occuper plusieurs places de stationnement – se mettent de la partie. Conséquence: un nombre record de voitures garées dans les rues adjacentes.
Puisque les campings environnants affichaient complet les weekends de juillet, il n’est pas surprenant qu’autant de campeurs se soient rabattus sur cette option. Dom ajoute que pour ceux et celles qui roulent en van autonome, «débourser des montants qui jouent entre 40$ et 70$ pour un « in and out » [des campings] est difficile à justifier». Or, Frédéric juge qu’environ la moitié des campeurs n’avaient pas acquitté leur droit de stationnement de 15$ pour la nuit, alors que des affiches disposées dans le stationnement de Vallée Bras-du-Nord énoncent le règlement.
Le reste du portrait n’a guère meilleure allure: tentes et tables de pique-nique déployées, feux allumés à même le stationnement, déchets et bruits nocturnes – un problème notoire pour les résidents.
Le directeur général de Vallée Bras-du-Nord se dit conscient que les adeptes de vélo de montagne et de van life ne sont pas les seuls responsables de la situation. Les lieux attirent selon lui «toute sorte de monde».
Puisque Vallée Bras-du-Nord s’étend sur un territoire public, Frédéric et son équipe ont eu recours à la réglementation municipale pour y interdire le campement. Des actions similaires ont été prises aux Sentiers du Moulin, à Lac-Beauport, et à Empire 47, à Lac-Delage, respectivement les 8 et 16 juillet 2020.
«La plupart du monde en van, c’est une esprit de belle clientèle. Mais quand il y en a plein qui se ramassent pas, on est obligé de prendre action», admet Frédéric.
Encadrer plutôt qu’interdire
«Pourquoi ne pas encadrer le mouvement plutôt que de lui mettre des bâtons dans les roues?», se questionne Dom. Il désigne certaines montagnes des États-Unis à titre d’exemple, qui connaissent selon lui un franc succès en accueillant les vans aux pieds de leurs sentiers. «Pour l’avoir vécu à quelques reprises, je garde de très beaux souvenirs de Burke avec le Tiki Bar dans le stationnement ainsi que le food truck. Il n’y a rien de plus plaisant que de finir sa ride, prendre une bière et une bonne bouffe entre adeptes de vélo à même l’endroit où tu as roulé pendant la journée.»
En repoussant l’ouverture de ses pistes de style enduro à l’année prochaine, Le Massif de Charlevoix s’est donné le temps de suivre la situation pour en tirer des leçons. Néanmoins, la formule vélo de montagne et van life sera testée les weekends du 19 septembre au 12 octobre dans le cadre de l’événement Le Massif en couleurs. Un nombre restreint de vans sera admis pour 20$/nuit dans le stationnement du sommet de la montagne. Un acte de foi qui servira de période d’essai.
«On veut éventuellement offrir la formule à long terme avec plus de services, hiver comme été. Mais avant, on veut se permettre de bien recevoir les gens – pas qu’ils campent n’importe où, n’importe comment», explique Maude Barrette Desjardins, directrice communication marketing au Massif.
Bien que l’interdiction soit tenue à Vallée Bras-du-Nord pour le reste année 2020, Frédéric se dit ouvert à recevoir à nouveaux les vans l’année prochaine – mais pas à n’importe quel prix. Voici quelques pistes de solutions pour y arriver.
1 – Investir en de nouvelles installations
Il apparaît évident que de nouvelles installations pourraient devenir une source de revenu pour les montagnes – à condition d’avoir l’espace pour le faire. Par exemple, le Mont Ste-Marie en Outaouais s’est muni de toilettes portables. Quant au Massif, il mettra à disposition toilettes et tables à pique-nique aux van lifers dans le cadre des weekends Le Massif en couleur. Bien que Vallée Bras-du-Nord n’ait pas la même capacité d’accueil, Frédéric confirme qu’un projet pour développer un nouvel espace de stationnement est en cours. « On espère pouvoir le rendre accessible si on a les permis », nous informe-t-il. Sinon quoi? Des partenariats avec les campings environnants pourraient être envisagés.
2 – Uniformité de la réglementation
L’union fait la force et les membres de Québec vélo de montagne semblent l’avoir compris. En s’associant, Vallée Bras-du-Nord, Sentiers du Moulin, Empire 47, Mont-Sainte-Anne et Le Massif ont pour objectif de faire rayonner la région comme destination pour la pratique de ce sport et éventuellement, standardiser la réglementation entourant le duo van life et vélo de montagne. Par exemple, la dimension des vans pourrait être limitée partout, pareil. Bien que Le Massif profite d’un grand espace de stationnement, sa directrice communication marketing confirme que la longueur des vans sera limitée à 22 pieds cette année lors de l’événement Le Massif en couleurs.
3- Respect de la part des usagers
Le nerf de la guerre: la collaboration des adeptes de vélo de montagne et de van life. Le respect de la réglementation, notamment du couvre-feu et du «leave no trace», c’est la base pour qu’une saine coopération voit le jour. Ça vaut aussi pour le respect du tarif à la nuit.
Il faut se rappeler qu’une van, c’est loin d’être une clé Fort Boyard: si on en a arraché pour l’obtenir, elle ne nous donne pas pour autant accès à tous les trésors.
Oui, elle a coûté cher. Oui, on finit par vouloir couper dans ce qu’on peut. En revanche, même après l’achat, les réparations et l’essence, il reste des dépenses. Ça fait partie du contrat non-écrit de la van life et quiconque choisit d’embarquer dans l’aventure doit en avoir conscience – sans quoi le reste de la communauté se retrouve à en payer le prix.
«Ça me rend triste de voir ça, parce que ça empêche les fans de van life de vivre leur passion. Ce sont des règles de bases pourtant simples. Une van vient avec des privilèges, mais aussi des responsabilités. Si certains ne les respectent pas, ça affecte toute la communauté.» – Julien Roussin-Côté, fondateur de Go-Van.
Carburer au plein air, à la découverte et à la liberté: oui, mais dans le respect de tous.
En collaboration avec Guru Énergie.