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Mecque du surf du Canada, luxuriante forêt humide, atmosphère qui rappelle l’époque hippie: Tofino, sur l’île de Vancouver, a connu une popularité inégalée cet été. 

L’engouement pour la van life à Tofino n’a pas tardé à causer son lot de difficultés. La tension a monté d’un cran en septembre lorsque que des touristes de la Colombie-Britannique ont retrouvé leur voiture vandalisée portant l’inscription «go home»

Le «bordel» 

Alors que l’office de tourisme de Tofino s’attendait à une baisse d’achalandage d’environ 50% par rapport à la moyenne estivale, le contraire s’est produit. La petite ville de 1 932 âmes a vu débarquer un flot de touristes des quatre coins du Canada dès que les parcs nationaux ont réouverts en juin. Même scénario à Ucluelet, à environ 40 km. Le pays entier semblait s’être rendu à l’évidence qu’on ne franchirait pas nos frontières nationales de sitôt. Et que la van life à Tofino était une excellente solution aux envies d’évasion. 

Mariepier Bastien était de passage en van life à Tofino en août, mais n’en était pas à sa première visite. Cette fois, «c’était le bordel»: files d’attente interminables, campings et espaces de stationnement bondés. «J’ai trouvé qu’il y avait un manque de respect de la part des van lifers», avoue la cofondatrice de Vanlife Sagas

Sophie L’Homme vit à Tofino depuis 2015. Elle était aux premières loges des bouleversements cet été. La nuit, des vans étaient stationnées devant son logement, bien que la pratique soit illégale. 

«Ça été le free-for-all. Les gens pensent qu’on peut se parker n’importe où, sur les plages comme dans les années 70, mais ce n’est plus le cas», témoigne la musicienne. Certains ont même laissé des couches et des serviettes sanitaires sur son terrain, déplore-t-elle. 

Ces airs de dépotoir se sont retrouvés jusque sur les plages. Au matin, canettes de bière, mégots de cigarettes, papier de toilette et autres déchets s’entassaient autour des cendres des feux de camp. Jusqu’à une centaine de feux ont été observés certains soirs à MacKenzie Beach. En guise de réponse, la ville considère maintenant interdire les feux sur la plage. Il s’agit pourtant d’une activité rassembleuse ancrée dans le quotidien de la communauté locale.

Des Québécois irrespectueux  

Toutes deux ont constaté que plusieurs Québécois malmenaient la van life à Tofino. «J’essaye de défaire cette vision que les Québécois qui viennent ici sont comme ça, parce que je suis fière d’être Québécoise», explique Sophie. Après avoir été témoin de situations pénibles impliquant des Québécois, elle a dû se rendre à l’évidence. Même chose du côté de Mariepier. «Une gang de Québécois faisait le party à tous les jours pendant une semaine à Long Beach. Ils mettaient la musique vraiment forte, ça fumait du pot à pu finir. Ils étaient belligérants.» 

«Après ça, quand tu pars avec ta van plaquée Québec, t’as l’impression que tu tombes dans le même bateau quand pourtant toi, c’est pas du tout ton vibe.»

Si Mariepier était d’abord surprise par les écriteaux “go home” brandis à l’entrée de la ville, elle en est repartie avec compassion. 

Manque d’infrastructures et d’encadrement légal

La fermeture de la commune hippie Poole’s Land à l’automne 2019 pourrait avoir exacerbé les impacts négatifs de la van life à Tofino. Ce terrain de 20 acres situé sur MacKenzie Beach Road pouvait accueillir jusqu’à 80 personnes par jour, incluant les van lifers de passage. Ils étaient les bienvenus en échange d’une contribution volontaire. Malgré les critiques, Poole’s land offrait une solution aux travailleurs saisonniers face à la crise du logement

De son côté, la ville a été pointée du doigt pour avoir failli à faire respecter la loi. En mars, une réduction des dépenses avait été votée par le conseil municipal. L’intention était bonne: réduire les taxes pour accommoder les résidents en perte de revenus suite à la COVID-19. Cette mesure a eu pour effet de ne prévoir que deux officiers en charge de remettre des contraventions de 200$ à ceux qui camperaient illégalement. Résultat: Peu ont été réprimandés et la van life à Tofino est devenue hors de contrôle. Parallèlement, l’ex-mairesse Josie Osborne implorait ceux qui n’avaient pas réservé d’hébergement de s’abstenir de visiter Tofino. 

Puisque le Walmart le plus près de Tofino est à 2 h de route, quelles solutions reste-t-il pour les van lifers? 

Terrains de camping 

Lorsque disponibles, les terrains de camping représentent la meilleure solution pour respecter les lieux et maximiser son confort. Voici les campings où séjourner en van life à Tofino

  • Bella Pacifica: Situé tout près de MacKenzie beach, Bella Pacifica offre des terrains à partir de 38$/nuit en basse saison. Ce site ferme ses portes à partir du 15 novembre.
  • Mackenzie Beach Resort Campground: Les tarifs commencent à 39$/nuit en saison basse. 
  • Crystal Cove Beach Resort: En saison basse, il faut s’attendre à payer 55$/nuit…! 
  • Long Beach Campground: Ce terrain de camping situé tout près de Long beach fermait ses portes le 12 octobre. Le tarif/nuit commence à 40$. 
  • Surf Grove: Ce nouveau camping à Cox Bay dispose d’une centaine de sites. Malgré sa grande capacité d’accueil, Surf Grove n’acceptait que les résidents de la C.-B. cet été. Le tarif/nuit commence à 49$. 
  • Campground Point Green (Pacific Rim National Park): Ce secteur de camping fait partie du réseau de Parcs Canada. Le tarif/nuit commence à 33$. Il fermait ses portes le 12 octobre. 
  • Lost Shoe Campground: Près de Ucluelet, ce camping offre des sites à 28$/nuit. 
  • Khan West Kitchen and Camping: À quelques mètres de Lost Shoe Campground, on y campe pour 20$/nuit. 

Aires de repos

Plusieurs voyageurs de la van life à Tofino pensent automatiquement aux aires de repos (rest area). Selon le ministère des transports et infrastructure de la C.-B., il est légal de les utiliser pour dormir à bord de son véhicule. Pour des raisons de sécurité, le ministère n’encourage pas les conducteurs à y rester plus de quatre heures.

Selon la carte des aires de repos gouvernementaux, l’île de Vancouver en comprend 16. Seulement deux sont situés à moins de 100 km de Tofino: Kennedy River Rest Area, à 1h, et Taylor River Rest Area, à 1h15.

Julian Hockin-Grant, coordonnateur à Tribal Parks Allies, dont la mission est de protéger et restaurer le territoire traditionnel Tla-o-qui-aht dont fait partie Tofino, explique que ces aires étaient au-delà de leur capacité cet été. «Il reste beaucoup de déchets là-bas, mais nos gardiens sont déjà occupés avec des cas urgents de COVID-19», nous a-t-il confié. Mariepier, qui s’est stationnée à Kennedy River lors de son séjour, confirme l’achalandage.  

Aussi, il n’est techniquement pas interdit de camper sur les terres de la Couronne (Crown Land), c’est-à-dire qui appartiennent à l’État, a-t-on appris au centre d’accueil de Tofino. Quelques endroits spécifiques en retrait de Tofino en font l’objet. L’un de ces endroits s’est rapidement rempli de déchets, si bien qu’à la mi-octobre, l’organisme à but non-lucratif Central Westcoast Forest Society (CWFS) a dû nettoyer les lieux. 

Quant au reste des chemins secondaires, il n’est tout simplement pas légal d’y camper. «Même près de Port Alberni, nos backcountry roads sont rendus des champs de caca», se désole Sophie.

Peu importe où l’on campe, respectons le principe du leave no trace

C’est simple comme bonjour. Pourtant, deux syllabes plus tard, ça a déjà l’air trop demandé. Un sac de plastique pour ramasser ses déchets, une petite pelle qu’on traîne avec soi pour enterrer ses selles et le tour est joué. Si tous ceux qui se lançaient dans la van life à Tofino suivaient ce principe, la communauté de la van life et les locaux s’en porteraient beaucoup mieux. 

Bannir la van life à Tofino?

Somme toute, bannir le tourisme et par extension la van life à Tofino est loin d’être la solution pour l’économie locale, principalement basée sur ce secteur. En plus de générer 240 millions de dollars annuellement, les quelques 600 000 touristes qui déferlent chaque année supportent 2 670 emplois, selon le groupe-conseil InterVISTAS. Puisque Tofino est à la recherche d’un.e maire.sse, le résultat du vote des élections prévues pour 2021 risque d’influencer l’avenir de la van life à Tofino. 

Indépendamment de la volonté de la ville, tant qu’il y aura des vagues, les surfeurs afflueront. Parce que le surf gagne en popularité au pays et que ses adeptes débarquent souvent en van, un besoin d’infrastructures propices à la van life à Tofino est criant. 

De telles mesures pourraient-elles mettre en péril son aura de surf town préservée et énigmatique? Ou est-il déjà trop tard? C’est une mesure qui emboîterait encore plus le pas au modèle économique de Banff ou Whistler, pensent certains. Un pas certes vers l’acceptation d’une nouvelle réalité, pensent d’autres. 

Une chose est sûre: outre la coopération nécessaire des van lifers, le tourisme durable pourrait mitiger les impacts du tourisme. C’est ce que souhaite Tribal Park Allies en invitant les entreprises de Tofino à verser 1% de leurs revenus dans leur programme, et conséquemment, dans la protection de l’environnement. Jusqu’à présent, 37 entreprises ont embarqués dans le mouvement. 

Julian rappelle que plusieurs résidents qui critiquent la van life à Tofino y sont eux-mêmes arrivés en van autrefois. «C’est pourquoi on [Tribal Parks Allies] accorde de la valeur à ce mode de vie. On ne veut pas le tuer. On veut recevoir les van lifers et on travaille fort pour améliorer notre programme.» 

Pour supporter Tribal Parks Allies, visitez tribalparksalliance.com