Nous repensons à notre dernier rassemblement annuel El Campo, où plus de 500 vans se sont réunies. Les souvenirs persistent: les éclats de rire au loin, les rencontres, les humains.
Pour nous, la vie de van est bien plus que le simple fait de vivre dans un véhicule, c’est un mode de vie, une communauté qui partage des valeurs communes. Ce sont des humains formidables que nous rencontrons sur la route. Et ce sont principalement eux qui font en sorte que nous continuons à adopter ce mode de vie.
Nous avons vu dans un précédent article que l’histoire de la vanlife ne date pas d’hier et que de nombreux évènements et groupes continuent de participer à la croissance de cette communauté. D’autres questions demeurent toutefois sans réponse: qu’est-ce qui fait que des milliers de personnes adoptent ce mode de vie? Comment le définit-on? Et qu’est-ce que nous réserve le futur de ce mouvement?
Pourquoi faire le grand saut?
Faire le grand saut vers la vie de van n’est pas toujours facile. Cela implique souvent de quitter un confort pour lequel nous sommes habitués et d’accepter de vivre avec moins. Nous avons eu envie d’explorer ce qui pousse certaines personnes à tout lâcher pour choisir ce mode de vie. Chaque personne a souvent ses propres raisons, mais à force de questionner nos amis sur le sujet, il y a souvent un désir de simplicité, d’aventure et de liberté qui les motivent à faire ce choix.
C’est le cas de Gerry Lauzon, administrateur du très populaire groupe Facebook Québec Vanning qui vit à temps plein dans une van depuis juin 2018. Pour lui, c’est à la fois le désir d’avoir une vie plus simple et celui de profiter de la vie avant qu’il ne soit trop tard qui l’ont motivé à faire ce saut:
«La vie de van, ce n’est pas juste le voyage, c’est aussi l’aventure parce que ce n’est pas toujours facile. Tu vis en marge de la société, alors chaque jour est une aventure. C’est donc toujours des défis, mais ce sont des défis concrets, pas des défis abstraits comme une job de bureau.»
Katy Larsen de So We Bought A Van, qui vient de fêter sa 5e année à vivre à temps plein dans sa van, a, quant à elle, adopté la vie sur la route pour l’exploration, la liberté, l’autonomie et le bien-être que ce mode de vie pouvait lui offrir. Cela lui permet d’être son propre patron, de créer un emploi à sa couleur, de moduler son horaire et de se consacrer d’abord à sa santé mentale.
Créer son propre horaire de travail et fuir la routine est aussi une raison partagée par de nombreux autres acteurs dans la communauté. Pour Jonny de Vanlifediaries, cela fait 10 ans qu’il vit sur la route. Du moment où il peut explorer de nouveaux paysages tout en pouvant jouer de sa musique en chemin, c’est ce qu’il a trouvé qui répondait le mieux à ses besoins.
Avant d’adopter ce style de vie depuis 2016, Alexandre et Valérie de Prêts pour la route se voyaient comme de grands consommateurs avec tout ce dont ils avaient besoin, mais n’avaient même pas le temps de partir sur la route avec leur roulotte. Ils ont alors découvert des vidéos de nomades qui leur ressemblaient et qui travaillaient à temps plein sur la route. C’est ce qui les a motivés à faire de même:
«Après quelques petits changements pour adapter notre travail pour devenir nomade, on a pris la route et on n’est jamais revenu en arrière.»
Mary Ashley Krogh de Bound For Nowhere, qui vit dans sa van depuis les 6 dernières années, trouve que vivre sur la route est une source inépuisable d’inspiration pour la photographie et la création de vidéos, en plus de lui permettre de vivre plus près de cette nature qu’elle aime tant.
Dominic de Vanlife Sagas, qui a eu sa première van en 2017, a aussi adopté ce mode de vie pour la flexibilité du travail sur la route et les infinies possibilités de photos et vidéos que la nature peut offrir. Vanlife Sagas est ainsi devenue une entreprise de création de contenu à part entière permettant à Dominic de vivre pleinement de cette entreprise sur la route.
Pour lui, cet intérêt pour la vie nomade remonte à sa jeunesse. Ses parents seraient les premiers à lui avoir transmis cette passion pour la vie de van. Il avait, déjà très jeune, l’habitude de voyager souvent d’une place à l’autre et d’habiter dans des caravanes avec ses parents. Étant quelqu’un qui bouge beaucoup et qui travaille de manière aléatoire un peu partout au Québec et en Amérique du Nord, il a renoué avec le mode de vie de ses parents après l’Université.
D’arcy de Dusk Till Dawn, a aussi développé cette passion durant son enfance. Il conduit, depuis une quinzaine d’années, une van restaurée vieille de 43 ans, alors qu’il en rêvait depuis la première fois où il s’est assis sur la banquette arrière de celle de ses parents.
Nous sommes aussi convaincus que la vanlife est le plus beau cadeau qu’un parent peut offrir à ses enfants, offrant ainsi un terrain de jeux et des opportunités en or de développer leur débrouillardise et leur ouverture sur le monde. Les parents ont donc, eux aussi, un rôle à jouer dans ce qui pousse certaines personnes à faire le grand saut.
«Pour moi et Karo, la vanlife stimule notre créativité tout en permettant des rencontres et des découvertes incroyables à chaque semaine.»
Des valeurs communes
En consultant tous ces acteurs, il est évident que la communauté est très éclectique et qu’il n’existe pas de vanlifer typique. Bien que les réseaux sociaux montrent souvent le même genre de personnes, nous avons rencontré, à travers toutes ces années sur la route, des gens de tout âge et de tous les horizons. Pourtant, nous sommes convaincus qu’ils partagent certaines valeurs communes. Nous avons donc exploré ces valeurs auprès de membres de la communauté pour mieux comprendre ce qui peut bien décrire ce mouvement.
Besoin de liberté
Selon la grande majorité de nos amis consultés, la plupart des gens s’entendent sur le besoin de liberté. Le désir d’aventure et la joie de voyager quand bon leur semble est part intégrale du choix de ce mode de vie. Ce qui unit tous ces gens, c’est la liberté de mouvement et la liberté de penser. C’est aussi la liberté de faire son propre horaire, d’être son propre patron et de sortir d’un cadre imposé.
«La vanlife permet de vivre où l’on veut et quand on veut. Au-delà d’un simple voyage, ça nous permet de vivre les destinations qu’on visite.» — Prêts pour la route
«On dirait que tous les gens qui décident de vivre de ça ont un trait commun: une soif de liberté et de passer le plus clair de son temps à l’assurer. C’est la soif d’assouvir cette liberté-là, puis ça, ça ne se fait pas tout seul, on compte aussi sur la communauté à l’occasion.» — Gerry Lauzon
Autonomie et créativité
Pour répondre à ce besoin de liberté, nombreux s’entendent aussi sur le fait qu’il faut faire preuve de créativité et d’autonomie pour vivre de façon nomade.
«Les vanlifers, ce sont des gens très talentueux et créatifs. J’ai rarement vu quelqu’un qui ne savait pas quoi faire de ses mains sur la route. La plupart, ceux qu’on voit plus facilement, sont photographes, vidéastes, professeurs de yoga en ligne, mais il y a aussi des artistes, artisans, il y en a qui ont réussi à transformer un travail très 9 à 5 en travail mobile. Leur point commun, c’est qu’ils ont tous réussi à défaire le moule puis à le reconstruire pour faire un travail ou une passion avec ça. Ce sont des gens excessivement créatifs.» — Dominic de Vanlife Sagas
Partage
Le partage est aussi, selon plusieurs acteurs, une valeur fondamentale à la vanlife. Avec tous ces artistes et ces gens qui réinventent le travail et la culture, le partage de connaissances, d’expériences, d’aventures et de ressources permet à chacun d’apprendre des autres.
«I have always really loved the community aspect and really appreciate creative adventurers sharing their art and craft along the way too» — Jonny the Vanlifediaries
Pour certains, ce qui définit la valeur du partage dans la communauté est aussi le partage honnête des embûches vécues afin d’outiller les prochains à éviter de futurs défis.
«On peut partager avec le monde les mauvaises expériences pour qu’eux autres les évitent. Il ne faut pas se limiter au rêve Instagram. Il faut parler des vraies affaires. Parce que les moments Instagram, ça existe oui, mais ce n’est pas tous les jours. C’est l’exception, pas la règle.» – Gerry Lauzon
Entraide et Générosité
L’entraide et la générosité semblent aussi être au cœur des valeurs de la vie de van. La communauté est, pour certains, bien plus que de simples humains, mais plutôt une grande famille qui leur fait sentir qu’ils ont des amis peu importe où ils décident d’aller. L’entraide est présente autant en personne, autant lors des rassemblements de vans que sur les réseaux sociaux, via des groupes de partage.
«It’s not just some people, they are family. One breaks down and you all help. We take care of each other kids. You leave your wallet on the table without a thought. If you need a part, someone has it. We all help each other and support each other.» — D’arcy de Dusk Till Dawn
Respect et ouverture d’esprit
De toutes les personnes rencontrées, la plupart s’entendent pour dire que les personnes qui font partie de cette communauté sont des gens ouverts d’esprit, généreux, honnêtes, respectueux et avec qui il est facile de connecter facilement:
«It’s so funny, when we got on the road, community was never anything we expected to get out of travelling full time. We hit the road in search of beautiful places, which we got, but the people and community are by far our favourite part about Vanlife. […] The values that best describe the vanlife community is openness, kindness, and generosity.» — Mary Ashley Krogh de Mak Was Here
«The #vanlife community is a very warm, welcoming, honest, and vulnerable community. The connections grow fast and deep. There is shared understanding of how intentional we are with our lifestyle, which can automatically connect people. It allows you to feel understood right off the bat. Additionally, most vanlifers I’ve met are extremely open and honest. Many aren’t afraid to be vulnerable, which leads to amazing conversations and connections». — Katy Larsen
«Il y a un très grand respect dans cette communauté-là. Ce n’est pas juste le respect de la nature et de l’environnement, mais c’est le respect des autres et de soi-même.» — Dominic de Vanlife Sagas
Minimalisme
Pour la plupart des vanlifers, le minimalisme est aussi très important. Vivre en van, c’est de retourner à l’essentiel et de se requestionner sur ce qui est vraiment important dans sa vie. Retourner vers un mode de vie plus minimaliste permet aussi d’apprécier plus ce qu’on prend habituellement pour acquis comme la valeur de l’eau, de l’électricité et la quantité de déchets produite. Si le réflexe naturel est d’acheter plus grand lorsque l’espace ne suffit plus, les vanlifers s’entendent pour dire qu’en vivant dans plus petit, cela les pousse à moins consommer et posséder moins, à prioriser ce dont ils ont vraiment besoin dans leur vie:
«La vie de van te permet d’avoir une réflexion sur ce qui est vraiment important. Ma philosophie de vie, c’est de collectionner les expériences, pas les objets.» — Gerry Lauzon
Le futur du mouvement
Si la communauté partage des valeurs communes, tout le monde s’entend aussi pour dire que l’histoire de la vanlife est loin d’être finie et que sa popularité ne s’essoufflera pas de si tôt. Avec les réseaux sociaux et la possibilité de partager davantage ce mode de vie, cela continuera d’être un choix pour les gens de tous âges, la communauté continuera de grandir et de devenir plus inclusive et accessible à davantage de personnes.
Certains craignent toutefois les impacts que peut avoir cette popularité:
«Avec la montée en popularité du mode de vie et l’explosion de la vente des véhicules, on a l’impression que ce qu’on a connu comme mode de vie au cours de nos premières années sur la route ne sera plus jamais pareil. Comme nous sommes de plus en plus nombreux à profiter de ce que la vanlife peut nous apporter, il faut désormais certaines balises et normes pour encadrer la pratique de ce loisir pour éviter les débordements. Malheureusement, l’encadrement n’a pas que de bons côtés, on y perd un peu l’essence de la vanlife qui représentait au départ une certaine absence de règle et un sentiment de liberté fort qui est de moins en moins présent. Toutefois, on pense qu’il y a de l’espoir. La planète est grande, il y a de la place pour tout le monde sur les routes et on pense que la force du nombre forcera la société à faire une place de choix au vanlifers.» — Prêts pour la route
Malgré les défis que cette popularité peut représenter tant pour l’environnement que pour les municipalités, différents acteurs sont aussi d’avis que c’est ensemble qu’il faudra continuer de travailler pour assurer un avenir prometteur à la vie de van. Il est important de parler de ce que les réseaux sociaux ne montrent pas toujours, mais aussi de participer à démystifier la vanlife. Il y a une responsabilité qui revient aux vanlifers d’éduquer ceux qui voudraient adopter ce style de vie:
«We, as a collective, need to take care of the places we call home for the night. There will only be more resources out there giving more people the ability to hit the road, making it more important than ever to care for the environment we are wanting to get to know in our travels.» — Mary de Mak Was Here
«Je me dis que quelque part, ce sont les vanlifers qui sont responsables du développement de ce tourisme-là de manière alternative, mais qu’on est aussi responsable d’éduquer. Les gens à qui on parle, ils nous perçoivent comme une source d’information crédible. C’est à nous de prendre l’opportunité et de dire: attention, ce n’est pas juste de se promener en van. Il faut que tu gères ton eau, ta bouffe, ta batterie, ton énergie solaire, ton caca, que tu choisisses des stationnements légaux… C’est la responsabilité des vanlifers d’emmener le monde dans la bonne direction,» — Dominic de Vanlife Sagas
Pour plusieurs, le futur de la vie de van passe par l’éducation, mais également par le développement du lien entre les municipalités et les différents acteurs de la communauté. Ainsi, le futur de la vanlife doit nécessairement passer par l’adaptation de l’offre de services offerts aux vanlifers:
«Nous autres, sur 2-3 semaines, on va se déplacer puis répandre notre argent neuf à travers différentes régions du Québec. Ce ne sera pas juste à un endroit. Nous ne sommes pas des centaines de personnes qui faisons ça, nous sommes des milliers. Ça a un impact économique sur les régions touristiques. Je pense que ça va se développer dans le bon sens pour l’ensemble du mouvement et que l’offre de services va être là. Je pense que les municipalités vont commencer à reconnaître l’apport économique que ça rapporte. Ça a déjà commencé, il y a des municipalités qui nous ont contactés pour avoir des options de haltes vanlife dans leur communauté.» — Gerry Lauzon
«La vie de van, ça devrait être vu comme harmonieux, on devrait être perçus comme des touristes flexibles, payants, qui nettoient quand ils débarquent quelque part, qui ne sont pas nuisibles, qui participent à une strate touristique qui n’a jamais été vue au Québec encore et qui pourtant fait rouler le tourisme aux États-Unis depuis des années. Démocratiser la vanlife dans les prochaines années, ce serait vraiment intéressant, la rendre accessible et comprise par tous». — Dominic de Vanlife Sagas
Nous sommes aussi d’avis que pour assurer la pérennité du mouvement, il faut démocratiser, éduquer et assurer la représentation de cette communauté. C’est d’ailleurs ce qui a mené à la création de l’Association Vanlife Québec avec d’autres acteurs de la communauté comme Dominic et Gerry pour qui le futur de la vie de van dépend d’abord et avant tout de la force de sa communauté.
La force de la communauté
Peu importe l’histoire derrière chacun des vanlifers sur la route, on peut vous garantir que ce sont des gens créatifs et minimalistes, qui partagent des valeurs de liberté, d’autonomie, de partage, d’entraide et de respect. Ce sont des gens qui font partie d’une communauté à part entière.
À travers toutes les discussions sur la vie de van, ce qui ressort surtout, c’est que sont des gens qui voient la beauté du mouvement et l’importance de se battre pour son futur. Ce sont des gens qui croient fermement qu’il faut continuer de travailler ensemble à solidifier cette belle communauté pour que nos enfants puissent, eux aussi, connaître le plaisir de la vie sur la route et de ces rencontres inoubliables.