Route sauvage, imperturbable, où les conifères ont droit de cité: la route du 51e parallèle est une aventure en soi.
La route du 51e parallèle, c’est en fait la route 389 qui relie Baie-Comeau à Fermont en passant par les Monts Groulx. On part à bord de notre van avec l’objectif d’explorer ce massif et du même coup, le seul chemin pour s’y rendre: la route du 51e parallèle.
Route de la Manic et des épinettes
La route du 51e parallèle est loin de faire dans la dentelle. Si Londres se trouve aussi sur la 51e latitude nord, rien n’unit la grouillante métropole anglaise et cette portion de la Côte-Nord. Ici, seuls les camions chargés de bois transpercent l’immobilité. Pas de réseau ni – ou très peu – de services.
C’est un road trip sur la Côte-Nord à l’état brut. Comme si on traversait un désert d’épinettes en retenant notre souffle.
C’est seulement près des centrales hydroélectriques Manic-2, Manic-3 et l’impressionnante Manic-5, qu’on perçoit l’activité humaine. D’ailleurs, c’est tout près de Manic-3, au kilomètre 94, qu’on trouve le premier point de service depuis Baie-Comeau – le Relais Manic-Outardes. Le suivant, le Motel de l’Énergie, n’est seulement qu’au kilomètre 214, près de Manic-5.
Une fois passé Manicouagan, le gravier remplace le bitume. La route du 51e parallèle se met à cahoter. On a une pensée spéciale pour notre safari condo, qu’on ne remplacerait pas pour plus gros – surtout quand on croise de larges camions transportant d’énormes billots de bois.
La route du 51e parallèle nous mène vers un point de vue imprenable sur le réservoir Manicouagan. Aucun panneau touristique n’en fait mention. Comme les kilométrages constituent notre seul repère, on retient que c’est le kilomètre 275 qui marque cet arrêt.
Difficile d’imaginer qu’une météorite est tombée ici, il y a 214 millions d’années, pour créer le cratère inondé sous nos yeux – le réservoir Manicouagan.
Enfin, le bitume revient juste avant le Relais Gabriel au kilomètre 316. On atteint rapidement le prochain point de service au kilomètre 336. C’est la station Uapishka – un terme innu qui signifie «sommets rocheux toujours enneigés» et qui désigne les Monts Groulx. Mieux vaut s’y arrêter puisque le suivant n’est situé qu’au kilomètre 565 à Fermont. L’aventure, c’est l’fun, mais on préfère celle qui exclut une panne sèche dans le fin fond de la Côte-Nord.
Les Monts Groulx
Au kilomètre 365, on met le cap sur le refuge de Guy Boudreau, un guide de montagne d’Aventure Uapishka. Cet aventurier dans l’âme guide depuis belle lurette les randonneurs avides de défis sur les Monts Groulx, reconnus pour leur redoutable microclimat. L’hiver, on y enregistre de fortes précipitations de neige et des températures extrêmement froides. L’été, les pluies y sont abondantes.
On goûte justement au contrecoup de la pluie. Peu après avoir entamé le sentier nord du mont Harfang, nos pieds s’enfoncent dans la boue, aux abords du ruisseau Jauffret. Guy nous explique que de fortes crues ont compliqué la construction du pont qu’on emprunte pour le traverser. Il aura fallu cinq ans à l’association des Amis des Monts Groulx – dont l’objectif est la protection de l’intégrité naturelle des Monts Groulx – pour en venir à bout! Le bon côté des choses: l’eau du ruisseau est si pure qu’elle est bonne à boire.
Un tapis de mousse verte, qui s’apparente à la toundra alpine, se profile au terme de 4 km d’ascension.
Nous voilà au sommet du mont Harfang. La vue 360 degrés permet d’observer l’île René-Levasseur, au cœur du réservoir Manicouagan. Et même, la route du 51e parallèle qui nous a conduit jusqu’ici.
Ce qui nous impressionne, c’est l’aspect «intouché» du paysage de la Côte-Nord sous nos yeux. Guy nous explique qu’on se trouve sur une aire protégée aux yeux de la loi provinciale, celle de la réserve de biodiversité Uapishka – situé entre le 51°21’ et le 51°48’ de latitude nord. Tant qu’elle existe, aucune exploitation forestière ni hydroélectrique ni minière ne menacera la conservation de ce milieu.
Ce sont 5 000 km2 de relief montagneux qu’on absorbe d’un coup avant de redescendre parmi les cairns, ces amas de roches qui font office de balises. Le froid est saisissant. On a une pensée pour les aventuriers qui entreprennent la Traversée des Monts Groulx sur 28 km à ce temps-ci de l’année.
Personnellement, l’aventure dont je rêve est celle de poursuivre la route du 51e parallèle vers le nord. Traverser le Labrador pour atteindre Blanc-Sablon par la route 500 et la 510. Au bout de 1 700 km, monter à bord d’un traversier vers Terre-Neuve. Fou? À chacun ses rêves d’aventures.
Aventure en collaboration avec The North Face