Si le retour aux sources interpelle de nombreux van lifers, dans les faits, l’utilisation d’un VR contribue à l’émission de gaz à effet de serre (GES).
Se réveiller sur une plage pour y admirer le lever du soleil, ou déguster son petit-déjeuner au cœur d’une forêt dense vient en effet avec un coût pour la planète.
C’est du moins le son de cloche qu’a lancé le rapport Indicateurs canadiens de durabilité de l’environnement : Émissions de gaz à effet de serre du ministère de l’Environnement et Changement climatique canadien publié au printemps 2019. Le secteur des transports représentait près du quart des émissions (24 %) de GES au Canada en 2017, avec 174 mégatonnes d’équivalent en dioxyde de carbone (CO2). Après l’exploitation pétrolière et gazière (27 %), c’est le secteur qui émet le plus de GES. C’est largement supérieur au secteur du bâtiment (12 %), de l’électricité (10 %), de l’agriculture (10 %), de l’industrie lourde (10 %), des déchets et autres (6 %).
Bien que le transport de marchandises par camions représente l’élément le plus lourd dans la balance, le transport de passagers par camions légers (camionnettes, fourgonnettes et véhicules utilitaires sport) pollue davantage l’atmosphère que n’importe quel autre moyen de transport utilisé pour transporter des passagers au Canada: avions, bateaux, trains, voitures, motocyclettes et autobus réunis! On parle ici de 50,5 mégatonnes d’équivalent en CO2, une quantité ayant plus que doublé en près de 30 ans.
Le rapport est clair sur le rôle des camions légers, incluant les VR, dans l’augmentation des GES au Canada:
«[…] le fait que les propriétaires de véhicules de passagers privilégient de plus en plus les camions légers au détriment des voitures à plus haut rendement écoénergétique, ont joué un rôle important dans l’orientation de l’évolution des émissions de GES […] Parallèlement, […] des améliorations ont sans cesse été apportées au rendement énergétique des voitures et des camions légers. Toutefois, ces améliorations n’ont pas été suffisantes pour compenser la hausse des émissions découlant des changements dans la composition du parc de véhicules.»
En attendant de voyager en van électrique, les crédits compensation carbone peuvent jouer un rôle clé pour se rapprocher de la nature sans l’étouffer.
Cette une mesure compensatoire vise à éliminer une tonne d’équivalent en CO2. Les crédits compensation carbone permettent en quelque sorte de «faire le ménage» derrière soi en payant une tierce partie, une entreprise ou un organisme sans but lucratif, afin qu’il pose des actions concrètes qui vont contrebalancer nos émissions polluantes.
Pour effacer son empreinte environnementale, il faut d’abord connaître sa portée.
Si l’on se fie au calculateur de GES de la Chaire en éco-conseil de l’Université du Québec à Chicoutimi, un aller-retour Montréal-Los Angeles en van qui consomme 13,5L/100km par l’interstate 40, sans détour ni bifurcation, émet trois tonnes de CO2. Toujours selon le même calculateur, ce voyage nécessite la plantation de 22 arbres pour atteindre la neutrocarbonalité. En considérant qu’un tel voyage se fait souvent à deux, c’est là une empreinte légèrement plus élevée qu’un voyage en avion. Un aller-retour en classe économique émet 1,4 tonne de CO2 selon l’UQAC, ce qui représente 10 arbres. Pour ceux qui pensaient que le transport en avion était ce qu’il y a de plus polluant, ces chiffres donnent matière à réflexion.
Le prix d’achat d’un crédit compensation carbone dépend de plusieurs facteurs.
À commencer par la nature du projet qui servira à annuler les GES. Certains projets ont pour but de prévenir la libération de GES. C’est le cas des projets de conservation, comme la protection de la forêt amazonienne. Ou encore, la création d’énergies renouvelables, comme le remplacement d’énergies fossiles par des énergies hydroélectriques ou éoliennes. D’autres projets visent à «guérir» un mal déjà fait, c’est-à-dire capter le CO2 déjà présent dans l’atmosphère. C’est le cas des projets de reboisement. C’est la mission que s’est donnée la compagnie québécoise NatureLab, qui se spécialise dans la régénération des larges écosystèmes ici même au Québec et ailleurs sur le continent.
Selon la responsable du développement des affaires chez NatureLab, Lucie Viciano, le reboisement en Amérique du Nord occupe une plus grande valeur dans la fixation du prix des crédits compensation carbone. En d’autres mots, un crédit carbone qui servira au reboisement local risque de se vendre plus cher qu’un crédit carbone qui supportera un projet d’énergie propre en Afrique, par exemple. Cela est dû au fait que le coût des ressources humaines est plus élevé qu’ailleurs dans le monde. Puis, que le succès de captation de CO2 du reboisement est affecté par davantage d’incertitudes que d’autres activités compensatoires. Finalement, que les efforts se déploient sur une longue période.
«Les arbres prennent beaucoup de temps pour séquestrer le CO2. Le prix d’un crédit compensation carbone couvre non seulement la plantation. Il comprend aussi la recherche de terrain, la main d’œuvre, la période d’entretien incluant le remplacement [des arbres].» – Lucie Viciano
Pour établir le prix d’un crédit carbone, chaque organisation a donc sa propre méthode de calcul basée sur le type d’activité compensatoire.
Dans le cas d’une activité de reforestation, on prendra aussi en compte le type d’arbre à mettre en terre et la durée de captation prévue. Par exemple, NatureLab estime qu’il faut planter quatre pins rouge pour éradiquer une tonne de CO2 émise sur une période de 50 ans. Ses variables sont différentes de celles utilisées par l’UQAC, qui prévoit planter sept épinettes noires pour capter la même quantité de CO2 sur 70 ans. Deux scénarios distincts, où deux types d’arbres sont plantés dans des milieux différents, sur une échelle de temps différente, avec des ressources différentes. Autre exemple: le Guadua angustifolia (bambou) séquestre beaucoup plus de CO2 que d’autres types de GES. Incidemment, ce qui peut prendre jusqu’à 50 ans pour capter du CO2 dans notre climat nordique peut être réalisé en six ans avec du bambou dans un climat tropical.
Si les crédits carbone s’obtiennent facilement auprès de diverses organisations, cette industrie est encore nouvelle et donc peu réglementée. Incidemment, il est important de s’assurer de leur qualité comme avec n’importe quel autre produit qu’on achète.
Il existe des certifications tels que le Verified Carbon Standard et le Gold Standard. Elles attestent la qualité des crédits compensation carbone offerts par les organisations qui répondent à une série d’exigences.
Parmi celles-ci, l’assurance que le crédit carbone n’est vendu qu’une seule fois, que les projets ont un réel impact sur l’environnement, que la quantité de CO2 emprisonnée ou évitée est quantifiable, et que les organisations sont vérifiées par des firmes indépendantes. C’est le cas des crédits carbone proposés par NatureLab, ainsi que d’autres organisations québécoises telles que Planetair et Will Solutions.
Les certifications requièrent aussi des entreprises qu’elles envisagent des marges d’erreurs, explique Madame Viciano. Si NatureLab se faisait pointer du doigt en octobre dernier par La Presse suite à la mort de plusieurs de ses arbres à St-Bruno-de-Montarville et à Blainville, Madame Viciano assure que ces imprévus sont en quelque sorte prévus par la certification Gold Standard.
«Statistiquement, quand on plante sur des grandes surfaces, il va y avoir des petits problèmes. Dans la norme de Gold Standard, il y a beaucoup de prévisions pour ça: 20 à 30 % d’arbres sont plantés en plus. Puis, on a cinq ans pour reboiser.» – Lucie Viciano
Il va sans dire que la certification d’un crédit compensation carbone, en d’autres termes, son gage de qualité, augmente son prix.
Avec tous ces éléments en tête, on comprend mieux la différence de prix entre les crédits carbone sur le marché.
Une tonne de CO2 séquestrée = un crédit carbone =
- entre 22,50 $ et 35 $ avec Planetair
- 22,98 $ avec Compensation CO2 Québec
- 28 $ avec NatureLab
- 28 $ avec Carbone Boréal (UQAC)
- 50 $ avec Will Solutions
- 50 $ avec Arbre Évolution
*prix en dollar canadien avant taxes.
Parallèlement, la fondation David Suzuki a réalisé un classement de performance des fournisseurs de crédits compensatoires. Six critères sont pris en considération afin d’aider le public dans son processus d’achat.
Si tu es convaincu des bienfaits des crédits compensation carbone, mais que tu te demandes encore pourquoi tu aurais à payer alors que les pires dans l’histoire, ce sont les compagnies pétrolières, sache qu’elles y sont déjà forcées.
Et oui, les entreprises qui émettent au-delà d’une certaine quantité de GES sont obligées de payer des droits d’émission au gouvernement provincial depuis 2013 et au fédéral depuis 2018. Un véritable marché du carbone a été mis place pour pousser les entreprises à adopter des pratiques qui limiteront les changements climatiques. Cependant, les mesures actuelles gouvernementales ne suffiront pas, selon les experts, à atteindre l’objectif de réduction des GES de 30 % d’ici 2030, conformément à l’Accord de Paris. La route est encore longue avant d’atteindre la carboneutralité promise le gouvernement fédéral d’ici 2050…
Les crédits compensation carbone représentent donc un pas vers l’avant… sans être l’ultime solution.
Même s’il est accolé du meilleur sceau de certification, un crédit reste un crédit, qui par définition, représente un délai accordé pour un remboursement. Seulement, aura-t-on toujours le luxe d’emprunter à la Terre? Combien de temps avons-nous avant le paiement final? Rappelons qu’il faut en moyenne entre 50 et 70 ans aux arbres du Québec pour capter la quantité de CO2 qu’on leur attribue.
La communauté scientifique s’entend pour dire que le mieux reste de ne pas émettre de GES du tout en changeant ses habitudes de vie. Faut-il pour autant se priver de voyager et de vivre des expériences extraordinaires? Peut-être un jour, ces expériences «extraordinaires» auront une toute autre signification, et seront perçues à l’opposé de la façon dont elles sont aujourd’hui définies. La honte de prendre l’avion est un phénomène déjà bien réel en Suède. À quand la honte de conduire sa voiture ou son VR au Québec? Serons-nous sédentaires et fiers de l’être? Ou au contraire, la technologie nous permettra-t-elle de nous déplacer de façon entièrement carboneutre?
Pour l’instant, les crédits carbone sont un moyen plutôt qu’une fin. Ils demeurent un produit issu du système capitaliste en réponse aux dérapages écologiques de ce même système. Tout comme la récupération ou le compostage, c’est un geste honorable en attendant de repenser collectivement notre système sociétal.